Dans l’Allier, au cœur du Pays de Tronçais, entre Moulins et Montluçon, l’amateur de littérature trouvera paysages et maisons d’écrivains qui feront son bonheur.
Outre le Musée-Ecole (de la fin du XIXe siècle) du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier à Epineuil le Fleuriel, le Musée Emile Guillaumin à Ygrande au cœur du Bocage Bourbonnais, il faut à tout prix s’arrêter à Cérilly au n°5 de la rue Charles-Louis Philippe.
A quelques pas de la mairie, en direction de la gendarmerie, on découvre une petite maison qui, de l’extérieur, ne paye pas de mine, comme encastrée, compressée entre les autres bâtisses. Un simple frontispice en pierre précise « Maison Natale de CHARLES LOUIS PHILIPPE ECRIVAIN 1874-1909 ».
Une fois les quelques marches du perron gravies, vous entrez dans un lieu où l’expression « maison natale » prend tout son sens, tant ce petit musée est riche de souvenirs exposés. Du vieil escalier en bois, en passant par la chambre avec son ancien carrelage, son mobilier et la fenêtre donnant sur la petite cour, l’atelier de sabotier de son père, tous les objets personnels de l’écrivain côtoient les manuscrits. De nombreux panneaux muraux, très détaillés, racontent l’enfance de Charles-Louis Philippe à Cérilly à partir de photos originales, de souvenirs de famille, cahiers d’écolier, diplômes, bulletins scolaires, photos de classe, tableaux, eaux-fortes d’André Dunoyer de Segonzac, lettres d’écrivains et objets du quotidien.
Mais qui était Charles-Louis Philippe ? Un aristocrate ? Un bourgeois ? Sans l’ouvrage de Michel Ragon, « Histoire de la littérature prolétarienne », je ne l’aurais jamais découvert malgré mes études dites « littéraires », mes professeurs tant agrégés et mon métier de libraire.
Fils d’un sabotier et d’une journalière, il naît à Cérilly sous le nom de Louis Philippe. A 7 ans, il est atteint d’une ostéite maxillaire mal diagnostiquée qui lui laissera une cicatrice et le blessera dans ses chairs et son âme. De petite taille, il n’est pas moins un enfant enjoué et précoce. Boursier au Lycée de Montluçon, il prépare le bac moderne scientifique, passe en maths spéciales au Lycée de Moulins pour préparer Polytechnique. A 19 ans, il découvre la poésie moderne avec Marcel Ray. Après ses échecs successifs à Polytechnique et Centrale, il compose des poèmes et écrit à Mallarmé et René Ghil. Ce dernier le fait publier dans des revues belges. A 21 ans, il tente sa chance à Paris et publie dans la revue « L’Enclos » mais revient à Cérilly, où désœuvré, il ne peut concilier ses origines et ses aspirations littéraires. Entré à l’administration du Département de la Seine à 22 ans, il abandonne la poésie pour la fiction et se lie avec un nouveau voisin de Cérilly : le jeune Jean Giraudoux. En 1897, il publie à compte d’auteur « Quatre Histoires de pauvre amour » puis « La Bonne Madeleine et la Pauvre Marie ». Il se rapproche d’André Gide et publie en 1900 « La Mère et l’Enfant » qui connaît un vrai succès d’estime. En 1901, « Bubu de Montparnasse », inspiré par son aventure avec une jeune prostituée qu’il veut sortir du trottoir, est très bien reçu par la critique et le public. En 1902, il publie « Le Père Perdrix », 29 chroniques dans l’hebdomadaire satirique « Le Canard Sauvage » en 1903 et rate le premier Prix Goncourt. Après la publication en 1904 de « La Vie d’un Simple » de son voisin Emile Guillaumin qu’il rencontre en vacances, il rate à nouveau le Prix Goncourt pour son roman impressionniste « Marie Donadieu ». Il écrit « Croquignole » en 1906, roman parisien sur les bureaux administratifs et l’amitié qui rate encore le Goncourt ! L’année suivante, à la mort de son père, il commence un livre sur lui : « Charles Blanchard » qu’il ne terminera jamais. Il publie dans le tout premier numéro de la « Nouvelle Revue Française » (nrf) ce qui fait de lui un de ses pères fondateurs. D’une santé chancelante, une fièvre se transforme en typhoïde puis en méningite qui l’emporte le 21 décembre 1909 à Paris. Enterré dans l’ancien cimetière de Cérilly, un superbe buste de Bourdelle veille sa tombe.
Grâce au dévouement d’André Gide, de nombreux volumes posthumes sont publiés et permettent ainsi au public de découvrir son œuvre originale et moderne. Celle-ci dépeint avec tendresse la vie des pauvres gens que sont les artisans, paysans et employés. De ce fait, Charles-Louis Philippe peut à juste titre être considéré comme l’initiateur de la littérature « populiste ».
Depuis 1937, Eugène Fasquelle, Gaston Gallimard, André Gide, Emile Guillaumin, Henry Poulaille et tant d’autres figurent sur le tableau des bienfaiteurs de son musée.
Georges Brassens écrivait de lui : « J’aime bien Charles-Louis Philippe. J’ai à peu près tous ses livres (…) qui sont de petits chefs-d’œuvre. Dommage qu’il n’ait pu écrire davantage… ».
Musée Charles-Louis Philippe ouvert du 1er mai au 31 octobre, de 15h à 18 heures (Samedi, dimanches et jours fériés toute l’année sur rendez-vous auprès de la mairie).
Tarifs : 2.50 euros (adulte), 1.50 euro (tarif réduit).
Prévoyez de la monnaie ou un chéquier car on trouve ses ouvrages à la vente, même certains titres épuisés !